Balade en Loire, autour du Canal du Forez…

     Bien que février soit à mi-parcours, ce matin, le ciel est ensoleillé et la température clémente. Équipé de pied en cap et le dos peu chargé, je m’oriente vers le pont de la Loire. Là, accoudé au garde-corps, j’admire le spectacle qui s’offre à mes yeux. Au loin, dans le ciel teinté de rose, les cimes arrondies des Montagnes du Soir (1) s’éveillent, illuminées par la clarté dorée du soleil levant. Les façades des maisons en surplomb mirent leurs tendres couleurs pastel dans le fleuve. Un miroir parfois déformé par les ondes circulaires de quelques poissons qui, çà et là, montent vers la surface.

     En aval, des cormorans se nourrissent. Tête haute, les gros oiseaux au plumage sombre sillonnent l’eau avant de plonger. Une longue chasse en apnée et ils émergent ailleurs, une ablette en travers du bec. Le frêle corps argenté frétille, se débat en vain. Pour avaler sa proie, ce prédateur relève la tête d’un mouvement brusque, ouvre ses puissantes mandibules et, avec une adresse remarquable, libère le poisson qui, après une pirouette aérienne, retombe dans son bec béant !

     Je gagne le point de départ de la boucle, sous le pont de la Loire. Au quartier des Barques, l’itinéraire longe la rive gauche vers l’amont du fleuve, suit la route vers celui de Port Haut, puis bifurque vers le Calvaire. Des noms de lieux qui rappellent le temps jadis de la batellerie où les rambertes (2) voguaient sur le fleuve Loire. De là, le parcours traverse une zone de maraîchage quadrillée de « clos », des parcelles cultivées cernées de murs en pisé couverts de tuiles. Je rejoins le canal du Forez qui m’accompagnera jusqu’au sixième pont ! Cette voie d’eau construite au XIXe  siècle, est une source d’irrigation pour de  nombreuses exploitations agricoles de la plaine. L’onde troublée par les récentes pluies empêche d’apercevoir les poissons. À mon approche, des hérons cendrés, à l’affût près de la berge, prennent leur essor. En quelques battements d’ailes ponctués de croassements éraillés, ils planent jusqu’au pré voisin d’un vol lourd, mais gracieux. Sur la piste de terre, mes pas écrasent les touffes d’herbe rase qui poussent en son milieu. Ici et là, de larges flaques boueuses imposent de marcher sur les bas-côtés. Au loin, face à moi, des joggeurs suivi d’un chien s’avancent à ma rencontre. Un couple de canards colvert se hâte de nager vers le bord. Ils se dissimulent sous les herbes basses inclinées au-dessus de l’eau et se taisent. Les joggeurs me croisent :

   –– Bonjour, lancent-ils les uns après les autres !
   –– Bonjour !

Je franchis le pont-canal, qui enjambe le cours du Bonson et fais halte au sixième pont,
vers Frécon Neuf.

     Après avoir traversé la départementale D102, le sentier herbeux s’étire parmi des champs cultivés d’où émanent des effluves âcres de terre mouillée. L’automne venu, lorsque s’évaporent les derniers lambeaux de brume matinale, ces terres grasses se transforment en paradis pour les vanneaux et les hérons. À proximité, un étang, et les roselières qui le bordent, forme un site propice aux ressources halieutiques et cynégétiques. Je bifurque sur une route de campagne, traverse le passage à gué du Bonson, une rivière affluente de rive gauche de la Loire. L’itinéraire conduit aux hameaux de Bébieux, de Grenet, rejoint le lieu-dit Côte Paradis et, par les alentours du village de Bonson, le quartier de La Tuilerie, puis au gour des Véroniques. L’environnement paisible et ombragé de cette ancienne gravière en fait un lieu privilégié pour la faune et la flore, que des panneaux d’interprétation décrivent en détail.

     Le martèlement sec et rythmé d’un pic épeiche invisible, contre le tronc d’un arbre, résonne dans le silence de cette nature accueillante. Une large piste de terre conduit sous le pont du chemin de fer. Puis, par une digue, entre gours et rapides du fleuve sauvage, elle mène au Grand Pont, un ouvrage suspendu ouvert à la circulation en 2008. Des effluences douceâtres de vase et de plantes aquatiques montent du cours d’eau dont la sonore impétuosité du flot enchante mes oreilles. Le sentier balisé des Bords de Loire pénètre dans une fraîche forêt alluviale, paradis d’espèces variées d’oiseaux. Il débouche sur un parc accrobranche, puis une zone de loisirs sur la berge gauche de la Loire. Au terme d’un trajet de seize kilomètres, je reviens au point de départ, quartier des Barques !

 

José CASATEJADA

(1) – Les Monts du Forez.
(2) – Au XVIIIe siècle, l’essor commercial impulsa la construction de bateaux sans voiles nommés sapines, sapinières, rambertes, saint-rambertes ou salambardes. Ils voguaient sur la Loire jusqu’à destination où ils étaient démontés. Au milieu du XIXe siècle, le rail mit fin à cette activité.